Une légende de chez moi, qui a vient d'avoir un article de quelques pages dans la revue Stantari de ce trimestre. Je vous livre seulement la légende (traduite), sans les explications de texte qui seraient trop longues à écrire :
Giovanni della Grossa, historien insulaire, rapporte ainsi cette
histoire dans sa "Chronique médiévale corse" rédigée au XVe siècle
(d'après la mairie de Figari): Toutes
les fois qu'un villageois prendrait femme, la mariée devrait passer
avec le seigneur la première nuit de ses noces et de plus, le marié
devrait faire cadeau au seigneur du plus gros de ses bestiaux, cheval,
bœuf ou animal quelconque. Cet exécrable usage dura de longues années. Un
jour, un homme du pays, nommé Piobbetta, qui désirait prendre femme,
résolut de mourir ou de délivrer la population de ce tribut honteux. Il
savait à merveille prendre les animaux au lacet, usage qui se
pratiquait de ce côté de l'île. La veille de son mariage, il harnacha,
comme pour le faire parader un cheval très beau et très agile, qu'il
voulait, disait-il, donner au seigneur le lendemain matin. Il avait
attaché solidement au bois de la selle une longue corde formant lacet.
Il s'approcha d'Orso Alamanno et, pendant que celui-ci était occupé à
examiner la bête, il lui mit le lacet au cou, puis donnant de l'éperon,
il l'étrangla en le traînant sur le sol.
À cette vue la population
accourut plein de joie et afin d'assouvir la haine furieuse qu'elle
nourrissait contre le tyran, elle rasa le château d'Orso Alamanno,
appelé Montalto.
Le corps fut enterré après avoir été l'objet des plus grands outrages.
On
dit, qu'au bout d'un an on alla ouvrir le tombeau d'Orso Alamanno pour
voir ce qu'il contenait, car on prenait l'ancien seigneur pour un vrai
diable de l'enfer. Il sortit du tombeau une mouche, qui devint avec le
temps si grosse qu'au bout de dix ans elle avait la taille d'un bœuf ;
elle tuait tous ceux qui s'approchaient, non seulement de ses ongles
cruels, mais encore avec son haleine fétide, car la puanteur de son
souffle était si infecte que quand le vent la portait de quelque côté
elle desséchait jusqu'aux arbres. Ceux qui avaient abandonné leurs
maisons mouraient dans les cavernes, malgré leur éloignement.
Enfin,
Piobbetta, grâce au concours d'un médecin pisan, parvint à tuer cette
mouche. Mais, ayant oublié de se frotter avec certaines liqueurs dont
le médecin lui avait prescrit l'usage pendant une année entière, il
mourut à son tour.
Le village de Freto resta à peu près désert et les Bonifaciens,
avec les populations voisines, firent aux quelques hommes qui restaient
une si rude guerre qu'ils les obligèrent à quitter le pays.
Cette
histoire de la mouche paraît fabuleuse à tout homme de bon sens,
cependant, aujourd'hui encore on trouve au milieu des montagnes
escarpées, dans les grottes solitaires, des ossements humains ; les
habitants sont convaincus et affirment comme une chose indubitable que
ces ossements sont ceux des hommes tués par la mouche.
|